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Refroidissement radiatif passif : une alternative naturelle à la climatisation


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Dans de nombreuses régions du monde, la demande en climatisation explose : selon l’Agence internationale de l’énergie, les systèmes de refroidissement consomment aujourd’hui près de 20 % de l’électricité utilisée dans les bâtiments, soit environ 7 % de la consommation totale d’électricité mondiale.

Les chercheurs explorent donc des solutions passives capables de maintenir des bâtiments frais sans recourir à l’énergie mécanique. Parmi elles, le refroidissement radiatif passif s’impose depuis une dizaine d’années comme une piste crédible.

L’idée paraît simple : toute surface chaude émet un rayonnement infrarouge. Or, l’atmosphère possède une « fenêtre » qui permet à une partie de ce rayonnement de s’échapper directement vers l’espace. En développant des matériaux capables de réfléchir la lumière solaire tout en émettant fortement dans cette fenêtre, il devient possible de maintenir une surface plus froide que l’air ambiant, même en plein jour.

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C’est cette approche qu’une équipe de l’Université de Stanford a mise en évidence dès 2014, une découverte largement relayée par la presse scientifique et technologique comme Wired.


Des matériaux toujours plus performants


La recherche moderne sur le refroidissement radiatif passif débute véritablement avec les travaux publiés en 2014 dans la revue Nature.


L’équipe de Shanhui Fan, à Stanford, a conçu un dispositif optique expérimental reposant sur une superposition de couches optiques spécialement adaptées. Ce prototype combinait une capacité exceptionnelle à réfléchir la quasi-totalité du rayonnement solaire avec une forte émission infrarouge.


Installé et testé à l’air libre sur le campus, ce revêtement a montré qu’une surface pouvait rester plus fraîche que l’air extérieur au milieu de la journée, sous un ciel dégagé. Comme l’a raconté Wired à l’époque, il s’agissait d’une première mondiale : un refroidissement naturel, obtenu sans énergie ni eau, uniquement grâce aux propriétés de la matière.


Depuis cette percée, les recherches se sont multipliées. Dans une revue parue en 2024 dans Sustainability, le chercheur L. Guo décrit plusieurs familles de matériaux désormais étudiées pour les toitures radiatives.


  • Les peintures ultra-réfléchissantes : développées à l’Université de Purdue, elles sont qualifiées de « plus blanches du monde » car elles réfléchissent plus de 98 % de la lumière solaire. Elles permettent de maintenir les surfaces plus froides que l’air ambiant.


  • Les films polymères spéciaux : à base de polydiméthylsiloxane ou de polyéthylène poreux, ils sont peu coûteux, efficaces et faciles à appliquer sur de grandes surfaces.


  • Les céramiques nanostructurées : étudiées par Lin et son équipe dans Science (2023), elles atteignent une réflexion quasi totale du rayonnement solaire et une forte émission infrarouge, tout en offrant une robustesse compatible avec une production industrielle.


Du laboratoire au terrain


Plusieurs projets pilotes confirment l'efficacité de la technologie au-delà du laboratoire.


À Stanford, les prototypes installés sur des bâtiments ont montré que les toitures équipées pouvaient réduire de manière significative la consommation de climatisation.


À Purdue, la peinture ultrablanche a été testée sur des toits pilotes. Selon le Rocky Mountain Institute (2023), ces surfaces ont permis une baisse nette de la température et une réduction de la demande en refroidissement mécanique.


Dans les régions chaudes, des essais récents rapportés dans Sustainability (2024) et dans les travaux de Zhao (2025) confirment une diminution notable de la consommation énergétique. Dans certains cas, la demande en climatisation a été réduite de l’ordre d’un quart à un tiers.

Ces exemples montrent que le refroidissement radiatif passif n’est pas qu’une curiosité scientifique : il s’agit d’une technologie qui prouve son efficacité dans des environnements variés.


Un levier environnemental global


Les avantages identifiés par les chercheurs et les organismes spécialisés sont multiples :


  • La réduction directe de la climatisation reste l’un des plus marquants : des surfaces plus froides limitent la chaleur pénétrant dans les bâtiments et allègent les systèmes mécaniques.


  • Le caractère entièrement passif est un autre atout : comme le souligne le RMI, aucun apport énergétique n’est nécessaire.


  • À l’échelle urbaine, L. Guo rappelle que la multiplication de surfaces radiatives pourrait atténuer les îlots de chaleur, problème croissant dans les villes denses.


  • Enfin, les céramiques étudiées par Lin montrent que ces matériaux pourraient être produits à grande échelle à des coûts raisonnables, ouvrant la voie à un usage massif.


Mais l’intérêt dépasse l’échelle du bâtiment. Guo explique que le déploiement massif de ces surfaces limiterait l’accumulation de chaleur dans l’atmosphère urbaine et, par extension, réduirait la demande énergétique globale des villes. Zhao souligne en 2025 que cette approche ouvre la voie à des stratégies de refroidissement respectueuses du climat, capables d’alléger la pression exercée par la climatisation sur les réseaux électriques. Le RMI insiste sur le fait que cette technologie pourrait devenir un outil de résilience environnementale face aux vagues de chaleur de plus en plus fréquentes.


Quelles perspectives pour demain ?


L’intégration dans les certifications vertes est en bonne voie : le RMI rappelle que ces toitures pourraient bientôt rejoindre les labels de construction durable aux côtés des panneaux solaires et des toitures végétalisées.


Le couplage technologique ouvre des horizons : Guo évoque par exemple l’association avec des panneaux photovoltaïques, qui bénéficieraient du refroidissement pour améliorer leur rendement. D’autres chercheurs envisagent des combinaisons avec des toitures végétalisées, afin d’allier biodiversité et performance thermique.


Le déploiement prioritaire dans les zones chaudes représente une opportunité clé. Dans sa publication de 2025, Zhao insiste sur le fait que dans les pays tropicaux et désertiques, la climatisation peut représenter jusqu’à la moitié de la consommation électrique totale. L’impact potentiel d’une solution passive y serait donc majeur.


Au-delà des chiffres globaux de réduction d’énergie, plusieurs études mettent en avant des effets concrets perceptibles au quotidien. Par exemple, des tests menés par l’Université de Purdue et rapportés par le Rocky Mountain Institute (2023)indiquent que même dans les conditions les plus défavorables, les toitures radiatives permettent au minimum 4 °C de baisse de température de surface par rapport à un toit classique. Cette différence, bien que modeste en apparence, se traduit déjà par une diminution sensible de la chaleur intérieure et par un confort accru sans recours à la climatisation.


Quant à l’adoption, les chercheurs insistent sur le fait que la mise en œuvre reste très proche des techniques de construction existantes : les peintures et films se posent comme des revêtements traditionnels, et ne nécessitent pas d’équipements spécifiques. Lin et al. (Science, 2023) soulignent par ailleurs que les matériaux testés affichent une robustesse et une durée de vie comparables aux solutions classiques. Ces éléments rassurent face aux craintes que suscitent parfois les innovations : il ne s’agit pas d’un système complexe, mais d’une évolution naturelle des matériaux de toiture, déjà prête pour une application à grande échelle.


Conclusion


En une décennie, le refroidissement radiatif passif est passé du concept théorique à la démonstration concrète.

Les travaux fondateurs de Stanford publiés en 2014 dans Nature, suivis par la médiatisation de Wired, ont ouvert la voie. Les innovations comme la peinture ultrablanche de Purdue, décrite par le RMI, ou les céramiques hiérarchiques étudiées par Lin dans Science, confirment la faisabilité technique. Les revues de Guo et Zhao montrent un domaine en plein essor, où la recherche avance rapidement.


Si les défis liés à la durabilité, à l’esthétique et à la normalisation sont relevés, cette technologie pourrait s’imposer comme une alternative disruptive à la climatisation traditionnelle. Elle offre une solution simple et élégante : utiliser le ciel comme climatiseur gratuit et universel.


Sources


[1]Our World in Data. (2022). Air conditioning causes around 4% of global greenhouse gas emissions and this will change in the future. Our World in Data


[2] Raman, A. P., Anoma, M. A., Zhu, L., Rephaeli, E., & Fan, S. (2014). Passive radiative cooling below ambient air temperature under direct sunlight. Nature, 515, 540-544.


[3] Wired. (2014). Stanford engineers invent high-tech mirror to beam heat away from buildings into space. Wired.com.


[4] Guo, L. (2024). The Review of Radiative Cooling Technology Applied to Building Roofs: High Solar Reflectivity and Energy Saving in Building Sector. Sustainability, 16(16), 6936. MDPI.


[5] Zhao, Z. (2025). Progress in passive daytime radiative cooling from spectral design to system integration. PhotoniX.


[6] Lin, L. (2023). Hierarchically structured passive radiative cooling ceramic with near-perfect solar reflectance and infrared emittance. Science, 382(6667).


[7] Rocky Mountain Institute (RMI). (2023). Clean Energy 101: Passive Daytime Radiative Cooling. Really Cool Roofs. RMI.org.


Vous souhaitez en savoir plus sur les solutions de refroidissement passif ? N'hésitez pas à consulter notre article 'Solutions de Refroidissement Passif : Concevoir des Espaces Naturellement Confortables ' pour approfondir le sujet.

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