MycoBamboo : quand le champignon et le bambou s’unissent pour bâtir bas-carbone
- project1253
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Le secteur du bâtiment concentre une part essentielle des émissions de gaz à effet de serre : on estime que les matériaux de construction peuvent représenter jusqu’à 51 % de l’empreinte carbone totale d’un bâtiment sur son cycle de vie [1]. Cette réalité place les concepteurs et les ingénieurs face à un défi de taille : comment réduire l’impact de la construction tout en répondant à une demande croissante en logements et en infrastructures ?
Les matériaux traditionnels comme le béton, le polystyrène ou la laine minérale sont largement utilisés, mais ils sont aussi associés à une forte consommation d’énergie et à des émissions importantes. Face à cette limite, la filière du bâtiment se tourne de plus en plus vers des solutions biosourcées et locales. C’est dans ce cadre que le MycoBamboo apparaît comme une innovation prometteuse, capable de conjuguer performance, renouvelabilité et potentiel de séquestration carbone.
Comprendre le MycoBamboo : une synergie entre bambou et mycélium
Le MycoBamboo associe deux éléments naturels complémentaires : d’un côté, les particules de bambou, issues d’une biomasse à croissance rapide, et de l’autre, le mycélium, structure filamenteuse qui constitue le réseau racinaire des champignons et agit comme un liant naturel [2].
Le bambou, notamment l’espèce Phyllostachys edulis, est reconnu pour sa vitesse de croissance exceptionnelle et sa capacité à stocker du carbone en quelques années seulement. Le mycélium, quant à lui, peut être cultivé sur des déchets agricoles valorisés, formant une matrice biodégradable, stable thermiquement et présentant une bonne résistance au feu, avec une dégradation seulement au-delà de 220 °C.
Le procédé de fabrication se déroule en plusieurs étapes. Les résidus de bambou sont d’abord préparés, puis ensemencés avec du mycélium. Après une phase de croissance contrôlée, le matériau est désactivé (généralement par chaleur) afin de stabiliser le composite et de stopper le développement biologique [3]. Cette étape est essentielle, mais reste énergivore, ce qui soulève un enjeu majeur pour améliorer encore le bilan carbone du MycoBamboo.
Les résultats des analyses carbone et les comparaisons avec les isolants traditionnels
Afin de mieux comprendre son potentiel, plusieurs travaux scientifiques se sont penchés sur l’empreinte carbone du MycoBamboo. Carcassi et al. (2022) ont conduit une analyse du cycle de vie (ACV), combinant une approche classique et une approche dynamique (dLCA), afin de modéliser la séquestration biogénique du carbone et d’évaluer différents scénarios de fin de vie [2].
Les résultats révèlent des conclusions nuancées. Le CO₂ biogénique stocké possède une valeur de GWP négative, traduisant son rôle de puits de carbone. Toutefois, le Net-GWP global reste positif, en raison des émissions générées par certaines étapes, notamment la désactivation.
L’étude montre que :
un stockage prolongé sur 30 à 60 ans améliore considérablement le bilan, en limitant les remplacements fréquents ;
la phase de désactivation, si elle repose sur des énergies fossiles, annule une grande partie des bénéfices carbone ;
l’intégration d’énergies renouvelables dans la production devient un levier indispensable pour réduire l’empreinte globale [2][4].
Un cas concret illustre ce potentiel : dans une simulation de rénovation de façade de 1 m², les chercheurs ont comparé le MycoBamboo à des isolants conventionnels offrant la même performance thermique (U-value identique). Le matériau se distingue par un gain carbone notable, attribuable à sa biogénicité, même si le Net-GWP reste légèrement positif.
Certaines entreprises explorent déjà cette voie, c’est le cas de l’entreprise américaine Ecovative Design développe des matériaux isolants biodégradables à base de mycélium (panels, briques) utilisés dans des projets concrets comme le pavillon Hy-Fi au MoMA PS1 à New York . Bien qu’ils n’intègrent pas de bambou, leur succès industriel illustre le potentiel du mycélium pour transformer la construction, un chemin que MycoBamboo pourrait aussi emprunter.
Les forces et les limites du MycoBamboo dans la construction durable
Le MycoBamboo présente plusieurs atouts qui expliquent l’intérêt croissant de la recherche et de la filière construction :
Bas carbone : grâce au stockage naturel de CO₂ dans le bambou et le mycélium [1].
Renouvelable et circulaire : le bambou pousse rapidement et les déchets agricoles sont valorisés dans le processus [3].
Performances techniques : les propriétés hygrothermiques et la stabilité thermique du composite en font un candidat intéressant pour l’isolation et la régulation climatique des bâtiments [1].
Mais à ces atouts s’ajoutent des défis encore à surmonter :
la désactivation reste une étape énergivore, nécessitant soit des procédés plus sobres, soit l’emploi d’énergies renouvelables ;
la durée de vie doit être prolongée pour maximiser les bénéfices carbone ;
la filière souffre d’un manque de normes claires et de standards industriels sur la sécurité (résistance au feu, durabilité, qualité constante), ce qui freine son adoption à grande échelle [2].
Ainsi, le potentiel technique et environnemental est bien présent, mais dépend encore de la capacité à surmonter ces limites structurelles.
Conclusion
Les perspectives d’application du MycoBamboo sont multiples. L’un des scénarios étudiés par Carcassi et al. (2022) porte sur la rénovation énergétique des façades, où le composite pourrait remplacer les isolants classiques. Ce type de solution permettrait de combiner performance thermique, réduction des émissions et utilisation de ressources renouvelables.
Plus largement, les composites mycélium-bois, dont fait partie le MycoBamboo, pourraient jouer un rôle structurant dans la construction européenne. Une étude portant sur la région métropolitaine d’Helsinki montre que l’intégration de ces matériaux pourrait stocker une quantité de CO₂ équivalente à celle séquestrée par 32 500 hectares de forêts sur plusieurs décennies [5]. Cette projection illustre le potentiel transformateur de ces approches pour des villes conçues comme de véritables puits de carbone.
En conclusion, le MycoBamboo apparaît comme une voie crédible vers une construction plus durable, capable de réduire l’empreinte carbone tout en valorisant des ressources naturelles abondantes. Si des défis techniques et réglementaires persistent, en particulier sur la désactivation et la standardisation, les études disponibles démontrent un potentiel réel. En prolongeant la durée de vie des matériaux, en misant sur des procédés basés sur les énergies renouvelables et en développant une filière structurée, ce composite pourrait contribuer à transformer nos villes en écosystèmes bâtis, conciliant performance technique et harmonie avec le vivant.
Sources
[1] Build-Green. MycoBamboo : étude de l’empreinte carbone d’un composite en mycélium et bambou.
[2] Carcassi, F., Minotti, P., et al. (2022). Carbon Footprint Assessment of a Novel Bio-Based Composite for Building Insulation. Sustainability (MDPI).
[3] Biobiz. Présentation du procédé de fabrication et désactivation du MycoBamboo.
[4] Pietro Minotti. Mémoire de master sur le MycoBamboo et le Green Deal européen. ETH Zurich, 2022.
[5] Frontiers in Sustainable Cities. Livne, A. et al. (2024). Fungal Mycelium Bio-Composite Acts as a CO₂-Sink Building Material with Low Embodied Energy.
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