Le rôle de la conservation de l'eau dans la construction et la conception
La crise mondiale de l’eau est aujourd’hui l’un des défis environnementaux les plus pressants. L'augmentation de la population, le changement climatique et l'urbanisation rapide mettent une pression sans précédent sur les ressources en eau douce. Dans ce contexte, le secteur de la construction, avec sa consommation élevée d’eau lors de la phase de construction et durant la vie des bâtiments, joue un rôle central dans cette problématique. En effet, les besoins en eau pour les activités de construction, le fonctionnement des infrastructures et l'entretien des bâtiments sont considérables, contribuant ainsi à la pression sur les réserves d'eau dans de nombreuses régions. Le secteur mondial de la construction représente environ 12 % de la consommation d'eau douce, ce qui en fait un contributeur important à l'utilisation des ressources en eau dans le monde. [1]
La gestion durable de l'eau s’impose donc comme un pilier essentiel de la construction écologique. Dans une approche de « green building », les techniques de conservation de l’eau visent à réduire l’impact environnemental tout en répondant aux besoins des occupants. En intégrant des solutions de récupération, de traitement et de réduction de la consommation d’eau, les bâtiments verts participent à une utilisation plus responsable des ressources hydriques, répondant ainsi aux enjeux actuels de durabilité.
Pourquoi la conservation de l'eau est essentielle dans la construction durable
Enjeux environnementaux
L’eau douce est une ressource de plus en plus précieuse, particulièrement dans les régions confrontées à des pénuries d'eau et à une demande croissante due à la population et à l’urbanisation. Selon l’ONU, la pénurie d'eau affecte déjà des milliards de personnes et pourrait toucher deux tiers de la population mondiale d'ici 2025 si aucune mesure proactive n'est prise. [1] Le secteur de la construction, qui représente environ 12 % de la consommation mondiale d'eau douce, a un rôle crucial à jouer dans la réduction de cet impact. [2]
La demande en eau dans le bâtiment n’est pas limitée aux phases de construction, mais elle s'étend aussi à la consommation quotidienne lors de la phase d'exploitation (usage domestique, systèmes de chauffage, etc.). En optimisant l'utilisation de l’eau dans chaque phase, le secteur peut non seulement contribuer à réduire les pressions environnementales, mais aussi prévenir les conséquences de la rareté de l’eau, comme la dégradation des écosystèmes et les conflits autour de la répartition des ressources.
Impact écologique et économique
La gestion durable de l'eau dans les bâtiments ne vise pas seulement à protéger les ressources naturelles ; elle présente également des avantages économiques substantiels. En réduisant la consommation d’eau, les occupants peuvent minimiser les coûts d'exploitation, notamment en ce qui concerne les frais d’approvisionnement et de traitement des eaux usées. Par exemple, des bâtiments dotés de systèmes de collecte des eaux pluviales ou de technologies de réutilisation des eaux grises peuvent observer une baisse significative de leurs besoins en eau potable, ce qui se traduit par des économies pour les gestionnaires et propriétaires.
Sur le plan écologique, limiter l’empreinte hydrique des constructions contribue directement à la protection des nappes phréatiques et des cours d'eau locaux, essentiels à la biodiversité. De plus, une gestion efficace de l'eau réduit le besoin de traitement des eaux, ce qui diminue les émissions de gaz à effet de serre associées aux infrastructures de traitement. En intégrant ces pratiques dès la conception, la construction durable promeut une approche qui soutient non seulement la préservation des écosystèmes, mais aussi une utilisation plus rationnelle et responsable des ressources hydriques pour les générations futures. [3].
Principales stratégies de conservation de l'eau dans les bâtiments verts
Réduction de la consommation d’eau pendant la construction
Flux de travail en circuit fermé
L’implémentation de flux en circuit fermé est une stratégie clé pour optimiser l’usage de l’eau lors de la phase de construction. Par ce processus, l’eau utilisée dans des étapes comme le lavage des agrégats et le refroidissement des équipements est récupérée, traitée, puis réutilisée, évitant ainsi une consommation excessive. Cette pratique répond aux exigences de nombreuses certifications de construction durable, offrant des avantages immédiats en réduisant le besoin de ressources supplémentaires. [4]
Approvisionnement en eau durable
Des pratiques comme l’utilisation d’eaux usées traitées et la collecte des eaux de pluie contribuent aussi à une réduction significative de l’utilisation de l’eau potable. Sur les chantiers, l’eau non potable sert pour des usages tels que l’arrosage des voies d’accès ou le nettoyage des équipements, remplaçant l’eau potable pour ces opérations moins sensibles. Ces pratiques réduisent non seulement la pression sur les réseaux municipaux, mais elles diminuent également les coûts et favorisent une gestion des ressources plus écologique.
Optimisation des processus
L’utilisation de matériaux comme le béton préfabriqué, qui nécessite moins d'eau durant sa cure, permet de minimiser le besoin en eau. De plus, certains procédés modernes de construction, comme l'assemblage à sec, offrent des alternatives au béton traditionnel, rendant la construction plus rapide tout en réduisant les ressources consommées. Optimiser ces processus contribue à limiter l'empreinte écologique de chaque projet. [5]
Gestion de la consommation d’eau durant la phase de vie du bâtiment
Appareils et systèmes économes en eau
L’installation de dispositifs à faible consommation, tels que les toilettes à faible débit et les systèmes de régulation d'eau, est une approche essentielle pour réduire la consommation d'eau quotidienne dans les bâtiments. Ces équipements sont conçus pour limiter le gaspillage tout en maintenant le confort et l’efficacité des infrastructures pour les usagers. La technologie des robinets et douches avec régulation de débit offre également des économies substantielles d’eau. [6]
Réutilisation des eaux grises
La réutilisation des eaux grises, en particulier celles provenant des douches et lavabos, permet de répondre à des besoins non potables, notamment pour les toilettes et l'irrigation. Un traitement local est souvent intégré pour garantir la qualité de cette eau et permettre une réutilisation sécurisée. En réduisant la demande en eau potable, cette stratégie diminue significativement l'empreinte hydrique des bâtiments tout en optimisant l’usage des ressources. [7]
Collecte et utilisation des eaux pluviales
Les systèmes de collecte des eaux de pluie représentent une solution durable pour alimenter les usages non potables, comme l’arrosage des espaces verts et le nettoyage. Les citernes permettent de stocker cette ressource saisonnière et d’assurer un approvisionnement constant même en période de sécheresse, limitant ainsi le recours à l'eau potable et soulageant les systèmes d’approvisionnement publics.
Techniques innovantes et technologies émergentes pour économiser l'eau
Systèmes intelligents de gestion de l'eau
L'usage de capteurs connectés et de technologies IoT (Internet of Things) représente une avancée significative dans la gestion de l'eau au sein des bâtiments durables. Ces systèmes permettent de suivre la consommation en temps réel, détecter les fuites et adapter l’approvisionnement en fonction des besoins spécifiques de chaque zone. Par exemple, dans un bâtiment intelligent, les capteurs installés sur les conduites d'eau peuvent fermer automatiquement les vannes en cas de détection de fuites, minimisant ainsi le gaspillage. De plus, les données recueillies par ces systèmes offrent des analyses permettant d’identifier les pics de consommation et d’optimiser les horaires d’utilisation de l’eau, contribuant ainsi à une gestion proactive et durable. [8]
Matériaux de construction économes en eau
Dans le domaine de la construction durable, le choix des matériaux joue un rôle central pour réduire l'empreinte hydrique d’un projet. Certains matériaux innovants, comme le béton écologique ou les briques fabriquées à partir de cendres volantes, nécessitent moins d'eau pour leur production ou leur entretien, comparés aux matériaux traditionnels. Par ailleurs, les matériaux composites, souvent utilisés dans des bâtiments verts, sont conçus pour durer plus longtemps et résister aux intempéries, réduisant ainsi la fréquence des remplacements et les ressources en eau nécessaires à leur maintenance. L'adoption de ces matériaux permet donc non seulement d'économiser de l’eau, mais également de réduire l'empreinte carbone globale du bâtiment. [9]
Paysagisme durable
Le paysagisme durable est une stratégie clé pour les espaces extérieurs, permettant de limiter l'usage de l'eau tout en préservant l’esthétique et la biodiversité des sites. Des techniques comme le xeriscaping, qui privilégie les plantes locales adaptées aux conditions arides, permettent de réduire drastiquement l’irrigation. Ces plantes indigènes sont généralement résistantes à la sécheresse et nécessitent peu d'eau supplémentaire, ce qui en fait un choix idéal pour des aménagements extérieurs durables. En intégrant des solutions telles que le paillage pour retenir l’humidité dans le sol ou l’installation de systèmes de goutte-à-goutte pour optimiser l’arrosage, le paysagisme durable offre une gestion écologique de l’eau tout en créant des environnements verts et résilients. [10]
Certifications et normes de construction favorisant la conservation de l'eau
Certifications internationales : LEED, BREEAM, et HQE
Les certifications internationales telles que LEED, BREEAM et HQE jouent un rôle fondamental dans la standardisation des pratiques de conservation de l'eau dans les bâtiments écologiques à travers le monde.
LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), développé aux États-Unis, attribue des points aux bâtiments intégrant des solutions de réduction de la consommation d'eau potable, notamment à travers l'installation de dispositifs économes en eau, la collecte des eaux pluviales et la réutilisation des eaux grises.
BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method), un standard européen, encourage l'utilisation de technologies de gestion de l'eau et de systèmes pour minimiser le gaspillage, tout en incitant les projets à optimiser la consommation à travers des équipements à faible débit et des systèmes de récupération des eaux usées.
HQE (Haute Qualité Environnementale), utilisée en France et dans d’autres pays francophones, intègre également des critères stricts pour la gestion de l'eau, en évaluant la consommation et la récupération des eaux pluviales pour des usages non-potables.
Ces certifications incitent à une gestion durable de l’eau en intégrant des objectifs de réduction de l'empreinte hydrique, tout en valorisant les efforts d'efficacité des bâtiments certifiés.
Normes françaises pour la conservation de l'eau
En France, les réglementations spécifiques visent à réduire l'impact environnemental du secteur de la construction, notamment à travers la RE2020 (Réglementation Environnementale 2020). Bien qu’axée en priorité sur la réduction des émissions de carbone et l'efficacité énergétique, cette réglementation inclut également des critères pour optimiser la gestion des ressources en eau dans les bâtiments neufs. La RE2020 encourage ainsi l’adoption de solutions pour limiter la consommation d’eau, par exemple en favorisant des dispositifs de récupération et de traitement des eaux pluviales pour des usages secondaires comme l’arrosage et le nettoyage. Par ailleurs, la norme HQE, bien que d’envergure internationale, propose un volet spécifique en France, incitant les acteurs de la construction à adopter des pratiques locales respectueuses de l’environnement, qui s’adaptent aux contraintes hydriques locales et aux besoins des usagers. Ces normes, en intégrant des solutions concrètes et adaptées au contexte national, permettent aux projets de construction français de réduire efficacement leur empreinte en eau. [11]
Conclusion
La conservation de l’eau dans la conception des bâtiments verts offre des avantages écologiques, économiques et sociaux considérables. Sur le plan environnemental, la réduction de la consommation d’eau et la réutilisation des eaux usées et pluviales contribuent à préserver les ressources naturelles et à réduire la pression sur les écosystèmes. Ce type de gestion permet de minimiser les émissions indirectes de CO₂ associées au pompage, traitement, et transport de l’eau. Sur le plan économique, ces stratégies génèrent des économies substantielles sur le long terme, tant pour les promoteurs que pour les occupants, en limitant les coûts liés à l’approvisionnement et à l’évacuation de l’eau.
Socialement, la réduction de la consommation d'eau permet de répondre aux besoins croissants de manière durable, particulièrement dans les régions où la ressource est rare. Les bâtiments verts dotés de solutions de conservation de l’eau peuvent inspirer d’autres secteurs à adopter des pratiques similaires, multipliant ainsi l’impact positif de ces innovations.
Face aux défis actuels, il est crucial que les architectes, ingénieurs, et promoteurs immobiliers intègrent ces pratiques de gestion de l’eau dans leurs projets. En allant au-delà des simples exigences réglementaires et en adoptant des technologies durables et des certifications, ils contribuent activement à la transition écologique.
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[1] United Nations Environment Programme. (n.d.). The role of cities in decarbonizing the buildings and construction sector. Retrieved from https://www.unep.org/events/unep-event/role-cities-decarbonizing-buildings-and-construction-sector
[2] United Nations Environment Programme. (2020). 2020 Global Status Report for Buildings and Construction: Towards a zero-emissions, efficient and resilient buildings and construction sector. Retrieved from https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/34572
[3] Rahman, M. M., Rahman, M. A., Haque, M. M., & Rahman, A. (2019). Sustainable water use in construction. In V. W. Y. Tam & K. N. Le (Eds.), Sustainable Construction Technologies (pp. 211–235). Butterworth-Heinemann. https://doi.org/10.1016/B978-0-12-811749-1.00006-7
[4] Fathollahi-Fard, A. M., Ahmadi, A., & Mirzapour Al-e-Hashem, S. M. J. (2020). Sustainable closed-loop supply chain network for an integrated water supply and wastewater collection system under uncertainty. Journal of Environmental Management, 275, 111277. https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2020.111277
[5] Bertuzzi, G., & Ghisi, E. (2021). Potential for potable water savings due to rainwater use in a precast concrete factory. Preprints, 2021010104. https://doi.org/10.20944/preprints202101.0104.v1
[6] Kalbusch, A., & Ghisi, E. (2016). Comparative life-cycle assessment of ordinary and water-saving taps. Journal of Cleaner Production, 112(Part 5), 4585–4593. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2015.06.075
[7] Tripathy, P., Prakash, O., Sharma, A., Juneja, C., Hiwrale, I., Shukla, V., & Pal, S. (2024). Facets of cost-benefit analysis of greywater recycling system in the framework of sustainable water security. Journal of Cleaner Production, 451, 142048. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2024.142048
[8] Ali, A. S., Abdelmoez, M. N., Heshmat, M., & Ibrahim, K. (2022). A solution for water management and leakage detection problems using IoTs-based approach. Internet of Things, 18, 100504. https://doi.org/10.1016/j.iot.2022.100504
[9] Green Design Consulting. (n.d.). Carbon-negative building materials: A sustainable revolution. Retrieved from https://www.greendesignconsulting.com/single-post/carbon-negative-building-materials-a-sustainable-revolution
[10] Yang, J., & Wang, Z. H. (2017). Planning for a sustainable desert city: The potential water buffering capacity of urban green infrastructure. Landscape and Urban Planning, 167, 339–347. https://doi.org/10.1016/j.landurbplan.2017.07.014
[11] Kouka, D., Russo, M., & Barreca, F. (2024). Building sustainability assessment: A comparison between ITACA, DGNB, HQE and SBTool alignment with the European Green Deal. Heliyon, 10(14), e34478. https://doi.org/10.1016/j.heliyon.2024.e34478
Written by Mehdi BELAHOUCINE
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