Fin de vie : un pilier négligé de l'analyse du cycle de vie
L'Analyse du Cycle de Vie (ACV) est aujourd'hui un outil incontournable pour évaluer l'impact environnemental des bâtiments. En intégrant chaque étape, depuis la production des matériaux jusqu’à la gestion de fin de vie, l’ACV permet de mesurer et d'optimiser la durabilité des projets.
La norme EN 15978 définit les étapes clés du cycle de vie d’un bâtiment, mais les phases C (fin de vie) et D (réutilisation) sont souvent négligées, bien qu’essentielles. La déconstruction, le traitement des déchets et la réutilisation des matériaux ont un impact considérable sur le bilan environnemental global, notamment en termes de réduction des émissions de CO₂ et de minimisation des ressources consommées. Ce sont également les phases qui permettent de fermer la boucle et ainsi d’assurer une circularité dans les bâtiments. C'est pourquoi il est crucial de les prendre en compte dans toute stratégie de durabilité.
Analyse de l'ACV et des différentes phases
L'analyse du cycle de vie (ACV) permet de quantifier les impacts environnementaux des bâtiments sur l'ensemble de leur existence. Structurée par la norme EN 15978, elle se divise en plusieurs phases essentielles : production, construction, usage, et fin de vie, avec un potentiel de réutilisation. Chaque phase présente des défis et opportunités en matière de durabilité.
La norme EN 15978 est largement utilisée en Europe pour évaluer la performance environnementale des bâtiments tout au long de leur cycle de vie. Elle est au cœur des obligations imposées par la RE 2020 en France, où l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) est devenue indispensable pour tout projet de construction neuve. Cette exigence vise à intégrer systématiquement l’impact carbone du bâtiment, de sa construction à sa fin de vie, dans les objectifs de réduction des émissions. Bien que cette norme soit principalement européenne, elle influence aussi des certifications comme le LEED et le BREEAM à l’échelle internationale, tout en étant reconnue au Royaume-Uni et dans certaines parties de l'Asie.
Tableau récapitulatif des phases
Phase A : Production (A1-A3)
La phase de production englobe l'extraction des matières premières, leur transport et la fabrication des produits de construction. Le choix des matériaux joue ici un rôle crucial : le béton, par exemple, est énergivore, tandis que le bois peut avoir un impact moindre. Cette phase inclut non seulement les émissions directes dues aux processus industriels, mais aussi les émissions liées au transport. L'optimisation des matières et des sources d'approvisionnement permet de limiter l'empreinte écologique dès les premières étapes de vie du bâtiment.
Phase A : Construction (A4-A5)
La phase de construction couvre le transport des matériaux vers le chantier et les activités de construction elles-mêmes. Le transport est une source significative d'émissions de CO₂, surtout si les matériaux proviennent de loin. Sur le chantier, les processus de mise en œuvre, comme la préparation des fondations ou l’assemblage des structures, consomment de l’énergie et génèrent des déchets. Réduire la distance de transport et utiliser des techniques de construction efficaces sont des leviers importants pour minimiser l'impact environnemental.
Phase B : Usage (B1-B7)
L’utilisation du bâtiment constitue la phase la plus longue du cycle de vie, comprenant la consommation d’énergie et d’eau, ainsi que les opérations de maintenance, réparation et remplacement. C’est durant cette phase que les performances énergétiques d’un bâtiment prennent tout leur sens. Les choix effectués lors de la conception, comme l'isolation ou l'utilisation d'appareils économes en énergie, influencent directement la consommation sur le long terme. La durabilité des matériaux utilisés pour la construction détermine également la fréquence et l'intensité des besoins de maintenance.
Phases C et D : Fin de vie et réutilisation
Les phases C et D se concentrent sur la fin de vie du bâtiment et le potentiel de réutilisation des matériaux. La phase C couvre la déconstruction ou démolition du bâtiment, et la gestion des déchets générés, qui peuvent être recyclés, valorisés, ou envoyés en décharge. La phase D, quant à elle, vise la réutilisation des matériaux pour de nouveaux projets, réduisant ainsi le besoin d'extraire de nouvelles ressources.
La phase C – La fin de vie
La phase C, dédiée à la fin de vie des bâtiments, englobe la déconstruction ou la démolition ainsi que la gestion des déchets générés. Ce processus représente une étape cruciale dans l’analyse du cycle de vie (ACV) car il permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à l’élimination des matériaux. À ce stade, la quantité de déchets qui peut être recyclée ou réutilisée est déterminante pour limiter l’impact environnemental du projet global. Pourtant, la fin de vie est souvent sous-estimée dans les évaluations environnementales, alors qu’elle conditionne la circularité des matériaux. L’importance de cette phase réside non seulement dans la minimisation des déchets envoyés en décharge, mais aussi dans l’optimisation du potentiel de recyclage des matériaux. Cela a été démontré par une étude de la European Environment Agency (EEA, 2021) sur des projets en France, où des stratégies de démolition sélective ont permis de valoriser jusqu'à 70 % des matériaux sur certains chantiers, contribuant ainsi à réduire significativement les émissions de GES. [https://www.eea.europa.eu/highlights/improving-circular-economy-practices-in/ ]
Les défis posés par la phase C sont multiples. Premièrement, les infrastructures logistiques pour la collecte et le traitement des déchets de construction sont souvent insuffisantes dans certaines régions. Deuxièmement, les coûts liés à une gestion écologique des déchets peuvent s’avérer prohibitifs, ce qui dissuade de nombreux projets de mettre en place des pratiques durables. Enfin, l'absence de normes unifiées dans de nombreux pays rend difficile la mise en œuvre de solutions cohérentes, ce qui aggrave la complexité de la gestion des matériaux en fin de vie.
La phase D – Réutilisation et valorisation
La phase D, centrée sur la réutilisation et la valorisation des matériaux issus de la déconstruction, représente un levier essentiel pour intégrer les principes de l’économie circulaire dans le secteur du bâtiment. Lorsqu’un bâtiment atteint la fin de son cycle de vie, la gestion des matériaux récupérés peut drastiquement réduire la consommation de nouvelles ressources. En effet, plutôt que d’envoyer ces matériaux en décharge, ils peuvent être réutilisés dans de nouveaux projets, permettant de diminuer non seulement l’impact environnemental mais aussi les coûts liés à l’extraction de matières premières.
Un exemple remarquable de réutilisation de matériaux dans un projet de déconstruction est le Resource Rows à Copenhague, où les matériaux issus de la démolition de la brasserie Carlsberg ont été transformés et intégrés dans un nouveau bâtiment. Les briques, plutôt que d'être jetées, ont été découpées en modules pour former la façade, réduisant ainsi les émissions de CO₂ lors de la phase de construction. Ce projet illustre comment une gestion intelligente des matériaux de démolition peut non seulement minimiser l'impact environnemental, mais aussi préserver le patrimoine architectural. [https://www.archdaily.com/943293/giving-demolished-building-materials-a-new-life-through-recycling]
Les bénéfices environnementaux de cette phase sont indéniables. D’une part, la réutilisation des matériaux limite la pression exercée sur les ressources naturelles et les écosystèmes liés aux industries extractives. D’autre part, elle réduit significativement la quantité de déchets acheminés vers les décharges, contribuant à une baisse des émissions de gaz à effet de serre, notamment le méthane. Toutefois, cette phase présente aussi des limites. La maîtrise technique de la déconstruction sélective, les coûts initiaux élevés et le manque de compétences spécifiques dans certaines régions peuvent freiner l’adoption massive de ces pratiques. L’expertise dans cette phase reste encore rare bien que ses problématiques soient de plus en plus évoqués dans l’enseignement supérieur.
Conclusion
Les phases C et D du cycle de vie d’un bâtiment, souvent sous-estimées, jouent un rôle fondamental dans l’évaluation de l'impact environnemental global. La fin de vie des matériaux, leur traitement et surtout leur réutilisation sont des leviers essentiels pour optimiser la durabilité des projets. En valorisant les matériaux issus de la déconstruction, comme le montre l'exemple du projet Resource Rows à Copenhague, il devient possible de réduire les émissions de CO₂ et de minimiser la consommation de nouvelles ressources.
Il est impératif d’intégrer systématiquement ces étapes dans les stratégies de durabilité des projets de construction. Les acteurs du bâtiment doivent mettre en place des solutions visant à maximiser la réutilisation et le recyclage, tout en tenant compte des contraintes économiques et techniques. Le développement de technologies émergentes, telles que le BIM (Building Information Modeling) ou l'IA, offre des perspectives prometteuses pour optimiser la gestion de la fin de vie des matériaux. Ces outils permettent non seulement une planification plus précise des opérations de déconstruction, mais aussi une meilleure anticipation du potentiel de réemploi des matériaux.
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Written by Mehdi BELAHOUCINE
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